2.6 Le processus de guérison
- annem111
- 2 juin 2021
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 juin 2021
Après ces nombreuses explications, rappelons les trois axes importants.
Pour guérir, il faut :
==> Se nourrir en faisant de vrais repas très copieux.
==> Se sevrer des restrictions et des techniques de purge.
==> Suspendre toute activité physique intense ou prolongée.
Que se passe-t-il exactement lorsqu’on met ces mesures en place ?
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L’afflux de nourriture a des effets rapidement visibles. Les personnes dont la digestion a été affaiblie par les restrictions et/ou les purges, sont souvent très ballonnées. On rapporte des problèmes de constipation, de gaz, de diarrhée, de reflux gastro-œsophagien. En outre, la prise de poids se fait en priorité au niveau de la ceinture abdominale, car le corps en « mode famine » reconstitue d’abord des couches de graisses protectrices autour des viscères.
Des phénomènes de rétention d’eau (œdème) dans des proportions parfois importantes apparaissent : ces fluides facilitent les nombreux échanges cellulaires qui s’effectuent pendant la renutrition (il faut donc s’abstenir de prendre des diurétiques !). Ils se localisent, là encore, principalement autour des organes. Le ventre peut donc beaucoup gonfler et donner l’impression « d’être enceinte », ou de présenter certaines pathologies digestives (gastroparésie, maladie de Crohn, intestin irritable, intolérances, etc.).
Le plus souvent, ces symptômes diminuent au fur et à mesure que la digestion et le métabolisme se restaurent. Bien sûr, cela ne dispense pas de consulter un médecin en cas de douleurs ou d’inquiétudes particulières ! Mais il ne faut surtout pas se décourager ni « lâcher » la renutrition, car c’est précisément en mangeant de façon régulière, variée et nourrissante que l’organisme peut retrouver un bon fonctionnement.
Une supplémentation en enzymes digestives (marques Inovance, Nutrixeal, Vit’all+, etc.) peut aider dans les cas de digestion très difficile, avec des signes d’intolérances.
Le repos et la réduction du stress sont aussi des facteurs clés pour moins « gonfler ».
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Par ailleurs, les personnes sont souvent fatiguées durant les premiers temps. Elles peuvent se sentir mal dans leur peau ou déprimées à cause de la prise de poids. Certaines ressentent une forte culpabilité, due notamment au sevrage des techniques de purge. Là encore, ceci est normal, habituel et tout à fait temporaire. Il ne faut pas prendre peur et garder le cap, malgré les hauts et les bas.
Une forme de lutte s’installe alors entre la « voix des TCA » (qui est tentée de se restreindre de nouveau) et la « voix de la guérison » (qui a compris que ce n’est plus une option). Ces tensions sont systématiquement décrites par les anciens malades ; il faut donc bien se souvenir que tout le monde passe par là, que cela fait entièrement partie du processus.
La prise de poids doit par ailleurs être relativisée, car elle est en grande partie liée aux différents phénomènes déjà mentionnés : rétention d’eau, saturation du système digestif, métabolisme ralenti, stockage temporaire de graisses abdominales, reconstruction des muscles, os, tissus et organes (lorsqu’on s’affame, même le cœur et le cerveau perdent de la masse !), etc. Parfois fulgurante au départ, la prise de poids atteint d’ailleurs très vite des paliers, et évolue ensuite beaucoup plus lentement.
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Concernant la faim extrême, il est probable qu’elle varie en fonction des personnes et des jours. Elle peut être très forte au début, puis augmenter de plus en plus lorsqu’on commence à y répondre, avant de décliner peu à peu.
Encore une fois, pas de panique ! On peut par exemple considérer les choses de cette façon : si nous plongeons sous l’eau et nous abstenons de respirer pendant une ou deux minutes, au moment où nous refaisons surface, nous ne pouvons pas nous contenter de respirer normalement, ou d’avaler une seule grande goulée d’air. Notre réflexe sera bien évidemment d’enchaîner plusieurs de ces énormes goulées, et elles seront de plus en plus profondes. Une fois réoxygénés, nous continuerons à respirer intensément pendant encore plusieurs minutes (hyperventilation).
De la même façon, chaque restriction que nous nous sommes fait subir appelle une grande quantité de nourriture en compensation. Lorsqu’on commence à répondre à la faim extrême, on ne fait que mettre en route le processus. Il faut être patient, car cela ne s’accomplit certainement pas en l’espace de quelques repas : la restauration complète du système demande au corps beaucoup d’énergie et un certain temps.
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En outre, il faut préciser un point important concernant la faim extrême : c’est qu’elle ne se manifeste pas seulement de façon physique (fort appétit, besoin de remplir son estomac) mais aussi par le biais des fameuses obsessions alimentaires.
On l’a vu précédemment : lorsque son estomac est bien rempli, la personne boulimique a « encore faim ». On lui dit alors que c’est impossible, qu’elle doit être une « mangeuse émotionnelle » ou qu’elle a une « addiction à la nourriture ». Grâce à l’expérience du Minnesota et à toutes les conclusions qui en découlent, nous savons que ce n’est pas le cas. Il s’agit juste d’une autre facette de la faim extrême, qui est sa forme mentale. En effet, la personne a peut-être son estomac plein, mais son corps est toujours dénutri et son cerveau est toujours en « mode famine ». L’organisme continue donc (à juste
titre !) à appeler plus de nourriture.
Il faut savoir que même pour un mangeur « normal », les signaux de faim et de satiété ne sont pas uniquement envoyés par les organes digestifs ; ils proviennent aussi du système nerveux, qui évalue constamment le niveau de balance énergétique et nutritionnel, et oriente les envies alimentaires vers ce dont il a le plus besoin (un steak quand il manque de fer, des pâtes quand il doit recharger ses réserves glucidiques, etc.). La faim physique et la faim mentale fonctionnent ainsi toujours de pair. C’est pourquoi un mangeur « normal » pense beaucoup à la nourriture quand il est en appétit, et il n’y pense que peu ou plus du tout, une fois qu’il est rassasié.
Chez les personnes souffrant de TCA, les obsessions alimentaires incessantes sont donc un indicateur que la faim extrême est toujours active.
Le fait que ces obsessions se portent systématiquement sur des aliments très caloriques n’est pas le signe d’un dysfonctionnement ou d’une addiction quelconque : c’est simplement le signe d’un grand besoin… en calories ! De même, l’attirance pour les aliments sucrés est assez logique : ce type de glucides pénètre très rapidement dans le corps et provoque un « shoot » énergétique, dont le cerveau affamé se montre forcément friand.
La faim extrême sous sa forme mentale est donc toute aussi réelle que la faim physique. Certains malades (les personnes fortement dénutries notamment) ne ressentent d’ailleurs plus du tout la faim physique, car leur métabolisme a baissé dans des proportions telles que le corps économise sur toutes les fonctions, y compris les signaux de faim, particulièrement coûteux en énergie. En revanche, elles ressentent parfaitement la faim mentale, les impulsions cérébrales sous forme d’obsessions étant beaucoup moins énergivores, et malgré tout relativement efficaces pour inciter à consommer de la nourriture.
Bien comprendre la faim extrême est crucial pour pouvoir y répondre de façon adéquate. De plus, elle est un des signes fiables pour savoir où la personne en est exactement dans son processus de guérison : tant que les rages alimentaires se manifestent, tant que les obsessions se font sentir, on sait que l’objectif n’est pas atteint. La renutrition doit alors se poursuivre, quel que soit le poids auquel la personne est arrivée, ou le mieux-être qu’elle peut ressentir par ailleurs. Il est d’ailleurs très important de ne pas chercher à accélérer le processus, ni à précipiter le retour à un fonctionnement « normal » dès les premiers signes d’amélioration (nous verrons cela plus en détail).
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Voyons donc maintenant les indicateurs précis qui permettent d’estimer que l’objectif de guérison est atteint :
- La personne ne se sent plus fatiguée ; elle a de l’énergie.
- Elle digère bien ; son ventre ne gonfle plus (il peut rester une couche de graisse inhabituelle tout autour, qui s’éliminera naturellement).
- Elle n’a pas ou plus constamment froid (les bouffées de chaleur nocturnes sont un des premiers signes que le métabolisme se restaure) ; ses extrémités ont une température normale.
- Elle est totalement libérée de ses obsessions alimentaires.
- Elle peut manger en accord avec ses signaux de faim et de satiété ; elle se sent satisfaite après chacun de ses repas.
- La nourriture, d’une façon générale, ne lui fait plus peur (il peut rester quelques « fear foods » sur lesquelles se poursuivra le travail de réintégration).
- Elle ne fait plus de crises de boulimie ; cela ne lui vient même plus à l’esprit.
- Elle n’est pas ou plus en sous-poids (compte tenu de sa morphologie).
- Pour les femmes concernées par l’aménorrhée : le cycle menstruel est rétabli.
Lorsque tous ces marqueurs sont « au vert », on peut considérer que la phase de renutrition se termine. C’est donc le moment, si on le souhaite, de reprendre peu à peu ses activités habituelles. Les principes concernant les repas restent d’actualité, avec des quantités qui vont diminuer graduellement, en accord avec l’appétit. Il n’est pas nécessaire d’y penser : cela doit se faire de façon naturelle, comme nous allons le voir dans la partie suivante.
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