top of page

1.5 La notion de restriction

  • Photo du rédacteur: annem111
    annem111
  • 2 juin 2021
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 21 juin 2021


Considérer que le cerveau interprète un simple régime comme une menace de mort peut, de prime abord, sembler surprenant. D’ailleurs, certaines personnes ne font-elles pas de petits régimes de temps en temps, sans pour autant déclencher de TCA ?


Il faut comprendre que l'on ne parle justement pas ici de « petit régime ». Il est question de restrictions relativement conséquentes et/ou maintenues sur de longues périodes, généralement avec rigueur voire rigidité. Ironiquement, les personnes qui vont déclencher les crises de boulimie, ne sont pas du tout celles qui manquent de volonté au regard de leurs pratiques alimentaires ; au contraire, ce sont celles qui en font beaucoup trop ! Elles sont des « expertes » en matière de restrictions, elles n’écoutent aucun de leurs ressentis et font tout pour ne pas craquer. C’est précisément cela qui les amène au point de rupture, au passage en « mode survie ».



*******


On l’a vu dans les conclusions de l’expérience du Minnesota, le principal remède pour faire cesser les crises, c’est précisément d’apporter au corps ce qu’il réclame : de la nourriture, beaucoup de nourriture, peut-être même beaucoup trop de nourriture.


Pourquoi cet excès ? Pourquoi ne pas tout simplement retourner à une alimentation équilibrée dans des proportions raisonnables ?


La réponse est simple : pour désactiver le signal de famine, il faut envoyer le signal inverse, qui est un signal d’abondance. Ce n’est donc pas le moment de penser

« équilibre » ou « modération ». A ce stade, ces comportements ne sont plus possibles, car ils constituent eux-mêmes des formes de restriction. C’est une des raisons pour lesquelles, même après un énorme repas de 1500 ou 2000 calories, la personne boulimique a « encore faim ». Pourtant son estomac est bien rempli, son système digestif est saturé, elle peut même avoir un peu la nausée, mais ce repas n’est pas ressenti comme suffisant. Un observateur extérieur pourra donc analyser cette faim comme « non réelle », et pourtant elle l’est bel et bien.


Rappelons que notre cerveau reptilien est archaïque, il nous renvoie donc à nos origines préhistoriques. A l’époque des chasseurs-cueilleurs, quand l’homme n’avait pas accès à la nourriture à tout moment comme aujourd’hui, il était régulièrement soumis à des périodes de disette dont le péril mortel était bien réel. Quand les chasses redevenaient bonnes, il était donc vital que le cerveau envoie des pulsions à manger en très grandes quantités, afin non seulement de reconstituer les réserves, mais aussi de se préparer à une éventuelle prochaine famine.


Notre programmation est ainsi faite : le signal de famine active dans notre cerveau non pas une faim « normale », mais une faim « extrême ».


Nos ancêtres y répondaient en festoyant et en profitant autant que possible de l’abondance retrouvée ! Dans notre contexte actuel, cette faim extrême n’ayant plus vraiment d’intérêt pour notre survie, nous la mésinterprétons comme « pathologique » et ce faisant, nous la transformons en « boulimie ».



*******


Au stade de la faim extrême, la notion de restriction va donc devoir être

étendue : le signal de famine ayant été activé, de nombreux comportements en apparence ordinaires constituent désormais d’inquiétantes privations.


En particulier, on peut citer :


- vouloir manger « léger », « équilibré », « santé » ;

- tenter de limiter ses portions (ou ses calories) ;

- compenser ce qui est perçu comme des « écarts » ;

- s’interdire certains aliments considérés comme « malsains » ou « grossissants » (en toute logique, c’est précisément sur ceux-ci que se portent les pulsions !) ;

- vouloir manger comme X/Y/Z, ou même vouloir manger « normalement » ;

- manger de façon irrégulière, sauter des repas ;

- se peser, surveiller son poids, chercher des moyens pour le contrôler ;

- vouloir éviter à tout prix de « criser » ;

- etc.


Pour les personnes qui utilisent des techniques de purge, on peut aussi mentionner :


- se faire vomir ;

- prendre des laxatifs ou des diurétiques ;

- jeûner ;

- faire du sport pendant des heures.



*******


En résumé, tout ce qui contrarie l’assouvissement de la faim extrême est perçu par le cerveau comme une nouvelle restriction et maintient le « mode survie » actif.


C’est précisément ici que le trouble boulimique se transforme en cercle vicieux : la personne est prise au piège dans une sorte de boucle dont elle ne voit plus comment sortir. Elle cherche à ne pas « criser », elle estime que cette faim extrême est

« anormale », elle ne parvient ni à tenir ses « bonnes résolutions », ni même à manger

« normalement », et à chaque crise dévastatrice, elle a généralement le réflexe de

« compenser ». Elle peut en toute bonne foi penser qu’elle a arrêté les régimes, qu’elle n’est plus « en restriction ». Les thérapies traditionnelles la mettent sur la piste de troubles émotionnels, qu’elle ne voit pas non plus comment résoudre… Pendant ce temps, le désordre alimentaire aggrave l’état de malnutrition, tout en augmentant souvent peu à peu le poids.


Ce cercle infernal peut s’auto-entretenir pendant des années, voire des décennies, précisément parce que l’approche n’est pas la bonne.


causes de la boulimie, restrcitions alimentaires, faim extrême, pourquoi les crises de boulimie, culpabilité

Guérir, c’est comprendre que la seule chose à faire est de désactiver le signal de famine.


Par conséquent, c’est aussi accepter de passer par une étape de laisser-faire, au cours de laquelle on répond à la faim extrême en se réalimentant (très) abondamment, et en lâchant tout comportement de près ou de loin « restrictif ».


Admettons-le, cela peut être très angoissant pour la personne boulimique, généralement terrorisée à l’idée de prendre du poids (d’autant qu’elle n’est pas forcément maigre, et que cela peut sembler discutable ou injustifié).


Pour nous permettre d’avancer sur ce point, nous allons voir maintenant deux concepts très importants qui, une fois bien assimilés, s’avèreront très rassurants.





Posts récents

Voir tout
1.3 Postulat de départ

Les crises de boulimie en elles-mêmes n’ont aucune cause psychologique profonde. Contrairement à ce qu’avancent certains thérapeutes mal...

 
 
 

Commentaires


bottom of page