1.6 Le « set-point »
- annem111
- 2 juin 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 juin 2021
Lorsqu’on a des TCA, on est généralement très préoccupé par son poids. On a (comme de nombreuses personnes qui n’ont pas de TCA d’ailleurs !) souvent l’impression que ce poids, il faut le « contrôler ». On peut être convaincu que notre corps et nos instincts alimentaires, si nous ne cherchons pas à les discipliner, vont se montrer dévorants, sauvages, insensés… et nous faire devenir énormes.
Il n’en est rien. Je peux avancer avec certitude que le corps n’a jamais « envie d’être
gros ». L’obésité en l’occurrence, n’est pas une chose naturelle. Je n’indique pas ici que les personnes obèses sont « anormales », ou qu’elles ont une tare quelconque, pas du tout ! Ce que j’entends par là, c’est que l’obésité est un désordre civilisationnel ; pendant longtemps (jusqu’au XXème siècle), elle n’a pas existé chez l’homme, et chez les animaux sauvages, on ne la rencontre pas non plus.
Il est vrai que nous vivons aujourd’hui dans un contexte d’abondance alimentaire inédit. Ceci dit, tout le monde n’en devient pas obèse pour autant. Nous pouvons tous observer autour de nous des personnes qui n’ont aucun problème avec leur poids, aucun problème avec la nourriture, se font plaisir, ne s’affament pas, ne font pas de régime. On entendra ici ou là qu’elles sont « chanceuses », qu’elles ont un « bon métabolisme », un « petit estomac », etc…
La notion de « set-point » a ceci de merveilleux, qu’elle balaye toutes ces considérations.
Le set-point (tel que décrit par exemple dans les travaux du Dr Jean-Philippe Zermati), c’est notre poids d’équilibre, notre poids de forme. Tout le monde en a un, et il est extrêmement bien calibré. C’est le poids exact auquel notre corps peut se maintenir absolument sans effort, et où toutes ses fonctions vitales opèrent parfaitement. Lorsque nous ne soumettons plus notre alimentation à aucune forme de contrôle, c’est aussi le poids auquel le corps retourne naturellement. S’il y a surpoids, l’appétit baisse sans peine jusqu’à ce que l’équilibre soit retrouvé ; inversement, en cas de sous-poids, l’appétit augmente pour les mêmes raisons.
Ce qui est à l’œuvre ici, n’a rien de magique : il s’agit du principe d’homéostasie, qui est la capacité qu’a tout organisme vivant à se réguler lui-même, et à revenir à ses valeurs d’équilibre lorsqu’il n’est plus soumis à des perturbations (pression artérielle ou température corporelle en sont des exemples flagrants).
Ce que veut notre corps en vérité, ce n’est pas grossir indéfiniment, mais que nous lui « fichions la paix » pour se stabiliser naturellement à son poids de forme.
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Bien entendu, cela implique d’accepter une chose : notre poids de forme n’est peut-être pas celui dont nous rêvons, qui nous fait ressembler à un mannequin ou rentrer dans la plus petite taille de vêtements. Mais nous l’avons vu précédemment, maintenir un poids inférieur à son poids de forme n’est pas une option : cela suppose des restrictions, qui entretiennent immanquablement le « mode survie ». Il y a donc un travail d’acceptation à faire ici, peut-être avec l’aide d’un psychologue si c’est nécessaire. Pour guérir, il faut apprendre à accepter et même à aimer son poids de forme.

Un minimum d’observation nous le montre : toutes les silhouettes ne sont pas faites sur le même moule. Ceci est vrai à toutes les époques, dans toutes les cultures, pour les hommes comme pour les femmes.
Depuis l’Antiquité, on distingue trois morphotypes :
- L’ectomorphe est longiligne, avec une tendance à la minceur voire la maigreur, une musculature peu développée, une peau et des cheveux généralement secs.
- Le mésomorphe a un profil naturellement athlétique, un squelette équilibré, son visage est plutôt carré, avec des arrêtes nettes (nez, mâchoires, pommettes…).
- L’endomorphe a une ossature robuste, un visage et un corps ronds, charnus, et souvent de beaux cheveux, une peau lisse, de longs cils, des ongles solides.
Dans les faits, les morphologies sont souvent moins caractéristiques, la plupart des personnes se situant entre deux types. Ce qu’il faut retenir, c’est que notre morphologie dépend de notre héritage génétique, et que s’il est possible de la sublimer, il est en revanche impossible de la modifier.
Bien souvent, on fantasme sur ce qu’on n’a pas, ce qui est bien dommage, car la beauté existe sous de multiples formes ! Inutile donc, de vouloir des cuisses en allumettes, des « abdos » parfaitement définis ou encore des formes plantureuses, lorsque ce n’est pas dans sa nature. A sa façon, chaque morphologie peut être mince, harmonieuse et en bonne santé (ce qui, cela a été montré par des études, est perçu comme le plus attirant et sexy !).
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Les personnes boulimiques mettent parfois beaucoup de temps à intégrer ces idées. Elles peuvent être convaincues intellectuellement que ces notions sont justes, mais rester terrorisées à l’idée que cela, pour de mystérieuses raisons, ne soit pas valable pour elles. De nombreux témoignages le rapportent : elles sont persuadées que leur corps est incapable de se réguler, qu’elles vont devenir obèses, que tous les autres boulimiques peuvent guérir et retrouver un poids harmonieux sauf elles, etc.
Elles ont beaucoup de mal à lâcher le contrôle.
Il est certain que les crises de boulimie sont traumatisantes et peuvent faire douter. De plus, on l’a vu dans les conclusions de l’expérience du Minnesota, certaines préoccupations irrationnelles concernant l’apparence physique peuvent résulter des restrictions, qui créent (ou aggravent) des dysfonctionnements à ce niveau. Enfin, nous vivons dans une société où des discours anxiogènes concernant l’alimentation et le poids sont relayés en permanence et partout.
La bonne nouvelle, c’est qu’une fois qu’on y parvient, normaliser ses comportements alimentaires apporte toujours un grand relâchement de ces tensions.
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