2.5 Le sport en question
- annem111
- 2 juin 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 juin 2021
Chacun sait que faire du sport est une habitude saine qui apporte de nombreux bienfaits, tant physiquement que mentalement. Cependant, dans le traitement des TCA, les pratiques sportives font l’objet de réserves bien particulières.
Tout d’abord, il faut considérer la phase de renutrition comme une période de convalescence. Le corps a été stressé et maltraité par l’alternance de crises et de restrictions. Il a donc besoin de repos pour réparer les dommages, reprendre des forces et rétablir un bon fonctionnement hormonal.
De la même façon qu’on déconseille le sport quand on se remet d’une grippe par exemple, il n’est pas plus indiqué quand on se soigne des TCA.
Les personnes concernées pensent souvent qu’elles ne sont pas malades, ou du moins pas « à ce point » … Pourtant, on l’a vu dans les articles précédents, tous les TCA agressent violemment l’organisme. Le mot « convalescence » n’est ni trop fort, ni inadapté ; même pour ceux ou celles qui s’estiment « moins malades » parce qu’ils ne sont pas maigres par exemple, ou parce qu’ils ne se font jamais vomir.
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Ensuite, le sport peut ne pas être une habitude si saine que cela, dans le contexte des TCA. Bien souvent, la pratique sportive est vue comme une technique pour contrôler le poids, purger les crises, poursuivre envers et contre tout l’amincissement. Les activités sportives peuvent atteindre des seuils totalement déraisonnables en termes de durée, d’intensité et/ou de fréquence (une proportion non négligeable de malades de TCA évolue d’ailleurs dans le milieu sportif, amateur ou professionnel).
Cette situation de surentraînement devient un facteur de déséquilibre supplémentaire pour la personne : anxiété, troubles du sommeil, douleurs et risques de blessure en résultent fréquemment.
En outre, dans la mesure où le sport est utilisé pour compenser les apports caloriques, il constitue une forme de restriction à part entière, exactement comme les régimes ou les vomissements. Il entretient donc la faim extrême, et les crises de boulimie ; c’est même un des principaux paramètres qui peuvent retarder ou compromettre la guérison.
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Enfin, certains auteurs envisagent aujourd’hui les pratiques sportives compulsives sous un nouvel angle, avec la théorie de la migration.
Tabitha Farrar notamment, dans son livre Rehabilitate, Rewire, Recover!, présente les choses de cette façon : historiquement, les périodes de famine ont toujours été liées à des périodes de migration. Lorsque la nourriture se fait rare, changer d’environnement est un réflexe de survie chez les animaux, et il en a longtemps été de même pour les êtres humains. Il est donc possible que cet instinct archaïque soit réveillé chez certaines personnes qui y seraient plus ou moins prédisposées génétiquement.
Les restrictions alimentaires déclencheraient une obsession du mouvement et des déplacements, afin de « migrer » dans un environnement plus favorable.
Ces comportements sont effectivement très souvent associés aux troubles anorexiques (marche compulsive, hyperactivité, mouvements parasites des jambes ou des bras, incapacité à rester assis) mais ils s’observent aussi chez certaines personnes boulimiques.
Une fois déclenchés, ces processus auraient tendance à aggraver les restrictions : chez les animaux par exemple, le réflexe de migration va de pair avec des performances physiques accrues, un besoin de sommeil réduit, et un appétit diminué voire supprimé (le but étant de ne pas avoir à s’arrêter pour s’alimenter tant que la situation de famine semble se poursuivre). Des études en laboratoire ont répliqué ce type d’effets sur des rats affamés ; ceux-ci préfèrent tourner frénétiquement dans leur roue plutôt que s’arrêter pour consommer de petites portions de nourriture.
Cette théorie est donc très intéressante pour comprendre comment des mécanismes biologiques (et non un désir morbide de maigreur) pourraient être à l’origine d’une activité physique effrénée, assortie de restrictions alimentaires parfois vertigineuses.
Dans le cadre de la guérison, il est recommandé de stopper toute activité sportive afin de cesser d’activer le signal de famine et la réponse de migration. Pour les personnes concernées, la renutrition doit être associée à une période de repos forcé, si possible en position allongée.
Ces mesures, bien que nécessaires, sont souvent très mal vécues par les malades, qui les perçoivent (non sans raison !) comme une menace vitale : en temps de migration, s’arrêter pour se reposer ou s’alimenter constitue effectivement un danger de mort. Un cadre ferme mais rassurant peut aider ces personnes à comprendre, et ainsi accepter de se soigner (certaines y parviennent seules, lorsqu’elles réalisent ce qui leur arrive).
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Pour ceux dont les pratiques sportives sont moins extrêmes, il est possible de garder une activité physique quotidienne pendant la renutrition. Toutefois, celle-ci ne doit pas se prolonger au-delà d’une heure et elle doit être d’intensité modérée : la marche à faible allure, le yoga doux et les étirements sont particulièrement conseillés.
Ces pratiques peuvent participer à la guérison dans la mesure où elles augmentent les taux d’endorphines, de sérotonine et de dopamine, sans stresser le corps, qui a besoin de repos. Toute pratique plus intense (jogging, fitness, natation…) est en revanche strictement contre-indiquée.
Bien entendu, il existe aussi des personnes boulimiques qui ne sont pas (ou plus) sportives ; dans leur cas, toutes ces remarques ne s’appliquent pas.
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